Journal de Louve #19 Les mots en retrait
Il me reste quelques souvenirs terreux, accrochés sous mes ongles quand j’ai gratté un peu.
Ce que je vois à la surface m’apparaît simple et nu.
Parfois je ne sais si l’on danse ou si l’on fait l’amour, peut être les deux.
Je ne sais pas si je suis enfermée dans quelque chose d’assez grand pour croire que j’ai de la place.
J’ai compris qu’il ne faut pas toujours de grosses blessures pour abîmer beaucoup, que prendre soin prend du temps.
Je m’applique.
Je revêts mes rêves sur moi pour y penser, je veux me donner l’occasion chaque jour d’aimer marcher vers mon accomplissement.
Et de croire.
Ma solitude est belle quand je sais qu’aujourd’hui tu vas penser à moi, que mon corps va m’emmener vers des routes qui me plaisent, qu’il va y avoir des surprises.
Rien n’est urgent aujourd’hui, c’est un luxe.
J’ai le temps de m’asseoir en tailleurs, d’assister à l’inattendu qui se produit. Je serai disponible, prête à le regarder.
C’est l’hiver et mes bras découverts derrière une fenêtre baignée de soleil savent se remémorer la caresse de tes cheveux qui glissent délicatement. Ils sont silencieux et toi patient quand je les peigne des minutes égrenées.
J’aspire à te revoir, à la prochain idée qui me rappelle l’été, à mes pages qui, noircies et retravaillées, deviendront un livre.
J’aspire l’air de l’espace immense que j’imagine autour de moi, j’accueille ça dans mon ventre.
Chez toi, j’ai écarté les bras, je t’ai dit on peut faire tout ce qu’on veut. Tu as aligné les tiens et tu as acquiescé.
Nous avons laissé en retrait des mots qui nous guideront, confiants qu’ils referont surface. Nous avons la même terre sous les ongles, nous nous connaissons bien. Nous avons encore à arpenter l’immense, à l’allant de sources de joie nichés dans les troncs d’arbre. Nous avons mélangé nos odeurs. Notre enthousiasme prend de l’élan.
Nous avons plongé.