Article de C. Noorbergen pour Aralya – mars 2021
Article de Christian Noorbergen
Aralya (revue d’art en ligne) – 1er mars 2021
Texte intégral de cet article :
Marion Toussaint ou les confins enchantés de l’enfance
Marion Toussaint, allusive et aérienne, aventureuse et minimaliste, explore à vif l’imaginaire enchanté, flottant et scabreux, de l’éternelle inguérissable enfance. Simplicité piégée : Marion Toussaint, pudeur et distanciation mêlées, sait ne pas tout dire. Elle joue à merveille des talismans de l’enfance et de l’animalité rêvée, qui chez elle s’étreignent souvent. Dans ses créations un rien énigmatiques, et volontiers ascétiques, tout se joue dans la complexité dépouillée des univers convoqués. En allure de féérie sensible. En pur dénuement spatial. En insidieuse charge mentale. La fabuleuse proximité évidée qu’impose Marion Toussaint donne à voir les premiers degrés de ses belles évidences corporelles. Ne pas s’y fier, car veillent les secousses cachées de l’existence, sur fond d’insondable opacité, ou d’âpres brûlures verbales.
Sous couvert d’apparences lissées, fraiches, et joliment plaisantes, le rouge et le noir s’affrontent souvent. Le noir fait muraille infranchissable, tandis que le cœur tout rouge ose dire la puissance brute de la vie. Si telle bleuité charnelle envoûte l’étendue, la nudité offerte, naïve et dépouillée, laisse sourdre les impensables violences d’une mémoire habitée. Si le tragique affleure avec une infinie délicatesse, un humour latent, jamais exacerbé, fait remède aux dures résonances créées. L’art intime, voire secret, de Marion Toussaint est agissant, travaillé en immersion d’imperceptibles murmures chamaniques. Il y a les devants de la scène, et de saisissants au-delà. Haute densité.
Des esquisses d’humanité fragile accidentent l’étendue. Comme une image onirique qui s’imposerait dans le silence de l’effarement, l’œuvre nue et forte de Marion Toussaint, libre et authentique, condense et concentre, en peu d’éléments visibles, l’arrière-monde impressionnant d’une sensibilité suraiguë. Cet art des confins de l’enfance, allusif et décanté, subtil et puissant, s’accorde admirablement à la présence des mots et des sons, c’est-à-dire à la poésie et à la musique.
Mandala d’enfance. Animalité souveraine. Art obsédant de haute présence.