Être féministe c’est …
Il y aurait une véritable réflexion à mener, il est vrai, sur le choix du terme « féministe » qui peut induire à tort que le mouvement devrait être porté par l’action de femmes, ou qui est largement connoté pour certaines personnes comme une volonté de domination du genre « femme » sur le genre « homme » (désagréable semble-t-il pour les hommes se s’imaginer une société « inversée »).
J’ai déjà entendu certaines propositions de remplacer ce terme de « féminisme » par le terme « égalisme », par exemple. Celui-ci, pour ma part, me renvoie à une volonté d’égalité plus étendue qui inclurait une égalité de genre, mais pas seulement (égalités selon les origines géographiques, sociales, l’âge, le bagage culturel, sont autant de critères qui ne devraient pas avoir un impact sur la valeur que l’on confère à une personne et qui ne devraient pas déterminer son identité au point d’entraver ses possibilités).
Concernant cet article, ce qui m’intéresse est que nous soyons d’accord sur la définition d’un concept : le féminisme préconise l’égalité entre les hommes et les femmes selon la définition officielle du Robert (merci Robert).
Pour ma part, je souhaite ici vous parler d’une idéologie qui considère que le genre d’une personne ne doit aucunement avoir d’impact sur sa liberté d’être qui elle veut.
Aussi, concrètement, être féministe c’est :
Quel que soit le genre auquel tu t’identifies ou ne t’identifies pas.
- Choisir d’avoir des poils aux aisselles ou ailleurs (tu sais, la production filamenteuse qui pousse naturellement sur le corps des mammifères)
- Mettre du vernis à ongles avant d’aller danser au Mayflower le samedi soir
- Demander à tes parents un sac à dos Reine des neiges pour ton anniversaire
- Écouter du métal
- Parler aux animaux
- Porter une jupe
- Fabriquer un bureau
- Passer un concours d’infirmier.ère, être vétérinaire, navigateur.trice ou styliste
- Accorder les adjectifs comme tu veux quand tu parles de toi
- Manger un gâteau au chocolat en entier
- Courir pieds nus dans l’herbe en chantant
- Collectionner les pandas, ou les coccinelles si tu préfères
- Embrasser qui tu veux sur la bouche (pour peu qu’il soit d’accord !)
- Acheter une moto
- Boire du jus de grenade
- Recoudre tes chaussettes
Donc tu l’auras compris, globalement, il s’agit simplement de choisir ton apparence, tes goûts, tes expériences de vie, sans avoir à justifier ce que tu aimes, sans te censurer. Parce que vivre une vie super chouette, c’est faire ce que tu as envie de faire, ce qui te plaît à toi.
Être féministe, c’est aussi accepter les choix des autres indépendamment de leur genre, et ce, sans leur rappeler que cela peut détonner avec des stéréotypes installés (non, le gros « c’est pour rire » n’est pas une excuse).
(Au passage, attention, la fusion de stéréotypes avec les neurones nuit gravement à l’intelligence)
Être féministe, est-ce déjà essayer de l’être ?
En même temps, c’est tellement difficile … Ce polo rose, ton frère le trouvait cool et il n’ose plus le mettre depuis que ton cousin l’as affublé de jolis noms d’oiseaux (pas très inventifs), à la dernière soirée. Et on ne parle pas de la fois où ta copine s’est présentée à un entretien d’embauche et, après avoir fait des efforts pour oser refuser de répondre aux questions privées (du genre, si elle est en couple et quand est-ce qu’elle compte avoir un enfant), on lui a montré la porte, pour finalement choisir un homme pour le poste. Surtout, avait ajouté le recruteur, pour un poste de management. Et lorsque tu choisis de ne t’assigner à aucun genre, tu soupires à chaque fois qu’on te propose de cocher « Monsieur » ou « Madame » sur un formulaire.
Alors, tu le dis, tu l’entends. Tu passes devant les collages d’affiches avec une copine qui s’exclame que « Oui, ça c’est bien vrai ! ». Tu expliques en repas de famille que c’est franchement injuste qu’on t’ai traité de cette manière, ou à ta mère que ce n’est pas parce que tu es un mec que tu ne peux penser qu’à une chose à la fois, et tu cette condescendance t’énerve.
Être féministe, n’est-ce qu’une question d’intention ? Est-ce que ça suffit si l’on pense réellement que, oui, une personne, quel que soit le genre auquel elle s’identifie ou ne n’identifie pas, a la même valeur que les autres, et donc doit avoir le même espace de liberté ?
Certain.e.s diront que ce ne sont pas nos paroles qui définissent ce que nous sommes mais les actes que nous choisissons de montrer. A mon avis, les deux mon capitaine ! 😉
Si une réelle intention de participer à la concrétisation d’une égalité de valeur quel que soit le genre est nécessaire (encore faut-il qu’elle soit réellement honnête), il me semble important de montrer dans ses comportements une certaine capacité à réfléchir dans un premier temps, et re-réfléchir dans les temps suivants, les nombreux stéréotypes appris. On a tout de même baigné dedans maintes années de notre vie, alors, la plupart du temps, on n’en sent même plus l’odeur.
Une situation à la fois.
Le soir où tu prépares l’apéro dinatoire et que vous vous retrouvez à 3 filles quand la cuisine sans aucun mec qui se lève et que tu te sens mal à l’aise, tu as déjà identifié une situation qui ne respecte pas une certaine égalité dans les possibilités de chacun.e. C’est un début de féminisme, une prise de conscience d’une situation qui n’est pas équilibrée. La suite pourrait-être de le montrer par les actes.
J’ai vraiment ressenti pour ma part que plus l’on se sent à l’aise avec ses propres besoins et limites, plus notre réaction sera fluide et aura de chances d’être reçue (mais cela dépend aussi de l’interlocuteur.trice).
Si tu es un des mecs, tu peux aussi garder à l’esprit d’avoir une attitude bienveillante (c’est à dire veiller à ce que les autres se sentent bien), et te rendre compte alors que ce n’est peut-être pas très agréable que, si les filles présentes veulent passer à table, vous leur a confié la responsabilité de mettre le couvert puisque vous avez, sans vous en préoccuper, simplement attendu qu’elles le fasse.
Lorsque tu te rends compte que ta femme est allé chercher les enfants tous les soirs cette semaine alors que vous finissiez à la même heure au travail, cela peut-être un autre déclic de se rendre compte que vous n’avez jamais réfléchi ensemble sur cette situation. Cela-lui convient-elle ? Est-ce un choix conscient de votre part à tous.te.s les deux ? Il est tout à fait possible de formaliser en formulant des règles de fonctionnement, si chaque personne a pu réellement s’exprimer pour les choisir. L’étape préalable est de savoir d’abord bien cerner ses propres envies et besoins.
Et l’engagement publique dans tout ça ? On en revient aux mots et aux paroles. Les articles, les revendications, les chansons féministes sont autant de démarches qui peuvent être inspirantes pour d’autres. Certains concepts et ressentis véhiculés par tes mots, iront peut-être se nicher à l’intérieur de quelqu’un et l’aideront à se construire (parce qu’il s’en inspirera ou parce que ça le fera simplement réfléchir à quelque chose de nouveau).
L’équilibre, vous dis-je, l’équilibre entre les paroles et les actions. C’est dans cet ancrage (idéologique et concret) et dans cette cohérence que notre souhait de voir émerger de plus en plus une réelle égalité de valeur entre les personnes, pourra continuer de se réaliser.
De la valeur d’une personne, qui que l’on soit
La menace de la privation est grande lorsque l’on ne se conforme pas. Et le discours extérieur est souvent culpabilisant. Il te renvoies que « tu ne sais pas t’adapter », comme si c’était un manque, une incompétence réelle et non un choix qui revêt plus de sens pour toi que ce que la norme a installé. Les compromis (voire les sacrifices) à faire sont plus ou moins lourds selon les jours, les contextes pour ne pas être complètement exclu socialement, pour obtenir un travail, pour s’assurer encore l’amour de ses parents (et si j’exprimais que je me sentais être d’un autre genre que celui que l’on m’avait assigné.e est ce qu’on me rejetterait ?), ou de son amoureux.se (continuer à faire le repassage après sa journée de travail, pour la sacro-sainte « paix des ménages » – qui compte évidemment tellement). Cette pression est liée au genre, ainsi qu’à de nombreux autres éléments constitutifs d’une partie de notre identité, et qui pourtant, la déterminent bien plus que ce que l’on pourrait attendre. A devenir une entrave à se construire comme nous voulons être. Notre âge, notre héritage social, nos croyances, notre niveau d’étude, ne doivent pas avoir autant d’impact que ce qu’ils ont réellement sur nos possibilités de se construire ou d’être considéré.e.s.
L’incompréhension, les changements et la nouveauté engendrent de la peur lorsque l’on est attaché.e à une croyance, ce qui peut créer du rejet. Cela ne doit pas nous empêcher de nous accorder (nous « mettre d’accord » de manière plus profonde), et ces ressentis ne sont en aucun cas des excuses valables pour exclure quelqu’un ou pour lui nuire. La peur appartient à la personne qui la ressent. Et celle-ci en a la responsabilité. Elle a donc la responsabilité de ne pas choisir comme conséquence d’attaquer ce qui a causé cette peur en elle. (Voir aussi les articles à venir Accorder les personnes et Responsabilité humaine)
Facile à dire. Dans un monde idéal (un monde des idées), nous pourrions certes tous nous aimer, nous accepter, être serein.e.s. Oui, nous sommes capables de l’imaginer, mais concrètement, le contexte est plus contrasté … Et plus riche car plus complexe.
Oui, c’est frustrant. Idéalement, on aimerait pouvoir rentrer seule chez soi sans se retrouver face à un homme qui se sentirait le droit de se servir comme il veut de nous comme d’un bifteck. Un premier pas est de trouver comment agir pour se sentir en sécurité dans cette situation (comme prendre des cours de self défense, ou rentrer accompagnée).
Cela nous demande de partir de ce que l’on a, de faire avec ce qu’on trouve dans le contexte tel qu’il est. Un changement se construit comme un pont d’un état (l’état actuel) à un autre (l’état que l’on souhaite atteindre). Et comme on trouve de tout dans l’état actuel, on peut aussi choisir parfois plus que ce qu’on pensait.
Oui, on a peur de remettre en question les croyances qui nous sécurisent (pour une femme par exemple « je ne suis rien sans un homme », pour un homme par exemple « je ne dois pas pleurer en public »). Elles nous ont jusqu’à présent servies (à nous adapter, à nous sentir acceptées ou encore à d’autres choses), et la peur maintient en alerte devant un potentiel danger. Mais au delà de ça, le danger est-il réel, est-il comme on l’imaginait ? Quel est le risque ? Quel est le gain ? Ce que l’on peut gagner ne donne-t-il pas l’envie d’essayer ?
S’accorder de l’indulgence, se donner des challenges raisonnables pour dépasser ses propres peurs et stéréotypes, se questionner sur ses valeurs, ses convictions, ses motivations profondes, découvrir de nouvelles choses, s’intéresser aux expériences différentes des siennes. Mais aussi s’entourer un maximum de personnes qui nous acceptent telles que l’on est, limiter les expériences anxiogènes à ce que l’on peut réellement accepter (et non subir). S’accorder suffisamment de légitimé pour oser dire stop à tout moment lorsque l’on se sent mal à l’aise, et ainsi pouvoir proposer des solutions. Tout cela participe à une construction plus solide de soi (indépendamment de tous les éléments qui pourraient nous imposer des versions de nous moins authentiques).
Accorder de la valeur à sa propre personne est notre responsabilité. Notre attitude, dans toutes les situations que nous vivons peut-être une occasion de poser des limites à celles et ceux qui ne les voient pas, ainsi qu’à percevoir nos propres attitudes qui nous limitent. Cette-même attitude qui nous permettra de cultiver notre liberté, d’avoir les possibles que l’on souhaite, qui que l’on soit.