Journal de Louve 2025

Journal de Louve #75 Soliflore

Quand tu prends ma main tout va bien.

Je m’enfouis au creux de ton absence. J’ai passé une bonne journée. Et puis j’ai manqué.

Depuis ce matin que je n’ai rien mangé, je ne trouve sur le sol que des racines flétries, des résidus de mots plus ou moins doux, plus ou moins en vie. Rien d’autre venant de toi que ta voix dans les branches.

Je t’ai cherché, je voudrais t’attraper à bras entiers.

Tu sais me rappeler que l’on ne s’épouse pas.

Tous les êtres qui s’aiment tendent-ils à mieux s’apprivoiser ? Toi, tu, farouche, échappes à mes visites, prenant garde à ne pas tomber dans mes grands yeux ouverts.

Je t’aime toujours, sauvage, mais je tourne bien souvent sur moi-même.

Je m’enfouis dans mes propres bras, de ne pas te trouver. Mon sentier ressemble à un long monologue ponctué par les oiseaux. Un monologue d’attente qui réside et se retient de crier pour ne pas t’effrayer. Tu pourrais fuir et ce serait pire.

Je sens que ma peau ne parle plus à personne. Que mes cheveux ne se nouent dans aucuns autres liens.

L’enveloppe pour mon être n’est plus que refuge, me contient.

Et puis surtout écris-moi souvent.

Je suis en soliflore. Depuis ce matin, je n’ai rien mangé et je t’ai attendu. La boîte aux lettres ouverte, je passe la main dedans.

J’ai froissé mon souffle, contemplant ton absence et ce qu’elle a creusé au fond de mon regard. J’ai observé mes cernes, j’ai renoncé à préparer mon repas pour ce soir. J’ai appelé et je sais que tu as entendu. Mais tu as continué à courir dans la forêt. Là où est ta place.

Ma voix s’est éraflée de te voir si loin, insouciant, à trainer tes pattes à ce qui t’épanouit. Et j’aime te contempler ainsi le sourire au museau. J’ai rebroussé chemin sans rebrousser pensée.

J’ai ramassé la dépouille visqueuse et ternie du manque que j’ai laissé tomber derrière moi, comme un écureuillon encore rose et pelé. J’ai essayé d’estimer son vide et l’infinie solitude à laquelle tu ne répondras pas, quel que soit le nombre des jours que je compte. Je pourrais revenir chaque fois dans la forêt et crier, tu entendras, pourtant, tu ne m’en parleras jamais.

L’écureuillon frissonne, duvet ébouriffé. Je voudrais le nourrir, je voudrais le bercer.

J’ai décidé qu’il serait compagnie, dans mon soliflore, il y a de la place pour lui.

Si nous avons choisis d’être deux et libres, devrais-je seule pousser sur mes racines et croire en ma sève ? Tes rencontres ne sont-t-elles que panser mon écorce, encourager mes branches à s’expanser avec ou sans toi ? Je sais pourtant qu’ailleurs nous parlons sans nous voir. Que si je ne peux sentir ta peau, je sais frémir d’imaginer les prochaines fois que nos joues se croiseront en caresse.

Quand tu prends ma main tout va bien.

Ta promesse sera toujours à moi et ma promesse sera toujours à toi. Je sais que rien ne peut la dire, puisque je t’aimerai toujours sauvage et toi j’espère que tu m’aimeras toujours tumulte.

En attendant de te revoir, mon soliflore me plaît, j’apprends à m’apprivoiser. J’épouse mes pensées, celles qui me plaisent le plus. Et j’essaierai demain de voir où la lune se trouve, pour l’éclabousser, à pieds joints dans la vie. Demain c’est jour de fête, je te sais, alors je dois en profiter, et peut-être aimer la plus belle solitude qui m’est donné à découvrir et puis à explorer.

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