Roman de l'avent

Le repaire de glace – Epilogue

Epilogue – Un an plus tard

Je traverse la salle comble et demande à Hélène au comptoir :

— Ca va, vous vous en sortez ?

Hélène cherche Vanessa du regard, qui revient avec son plateau.

— Oui, oui, me dit-elle. C’est animé, c’est tout.

Vanessa passe devant moi et me sourit avant d’enclencher la machine a café.

— On attend d’être ravitaillés en hamburgers au chutney, dit-elle. Ils sont partis comme des petits pains. L’année dernière, j’étais venue en extra juste avant de prendre le poste de Léo. On était trois au service. J’ai eu peur que ce soit un peu juste à deux.

— On est super efficaces ! répond Hélène.

Je leur souris. Je contourne le bar et entre dans la cuisine.

— Ca va ? je demande à Niels, glissant mes yeux dans les siens.

— Oui, impeccable.

Il sort une plaque de cuisson du four. L’odeur de pain emplit la cuisine.

— Super dis-je en regardant la pendule accrochée au dessus du four. Je pense qu’on pourra commencer le bal des fleurs gelées à 14h, comme prévu.

— Dommage que tu ne puisses pas rester pour m’aider à les préparer, murmure-t-il avec un sourire.

— On en fera à la maison, si tu n’en as pas marre de préparer des hamburgers …

— Je ne m’en lasse pas. C’est devenu mon plat préféré.

Il plonge son regard dans le mien un instant. Je lui sourit et regagne la salle.

Je règle le son sur la table de mixage et essaie le micro.

— Un deux. Un deux trois.

Je me penche par dessus l’épaule d’Adam. Stella m’interroge du regard.

— On va commencer d’ici une petite demi-heure. Vous voulez un café ?

— Avec plaisir, merci Livia.

— De rien. Merci à vous de me suivre dans cette expérimentation.

— C’est un plaisir. J’ai hâte de voir ce que cela va donner.

J’aperçois Givre se rouler sous une table et l’appelle en lui faisant signe de me rejoindre. Il s’ébroue et vient me donner des coups de tête contre les jambes. Je me baisse et lui frotte le pelage.

— Tu as des miettes partout, petit bout-en train !

Givre me donne un coup de langue sur le dos de la main et part dans l’autre sens en remuant la queue.

J’aperçois Jenny attablée, qui essuie la bouche de Milo avec une serviette.

— Salut, vous deux !

— Salut Livia, comment vas-tu ?

— Bien ! Et vous ? Vous êtes venus pour le bal des fleurs gelées, c’est super !

— On ne voulait pas manquer ça, dit Jenny en jetant un regard à Milo. Milo adore danser.

— Alors tu devrais bien t’amuser, dis-je à son intention.

Jenny verse de l’eau dans son verre.

— On peut prendre un moment après les fêtes de fin d’année ? J’ai avancé sur le décors dont tu m’as parlé pour le printemps prochain. Je n’avais jamais autant appris sur les oiseaux !

Je ris.

— Moi non plus, j’ai appris à reconnaître plus d’une vingtaine chants d’oiseaux pour ce projet. J’ai hâte de voir comment nous allons transformer Le Repaire en clairière. On prendra rendez-vous début janvier, ça t’irait ?

Jenny hoche la tête.

Je rejoins Adam et Stella.

— Tous est prêt, je leur annonce. Allons-y.

— Je regrette presque de ne pas pouvoir participer avec eux, s’écrie Stella.

Je saisis le micro et me place au milieu de la scène.

— Bonjour à tous et à toutes, merci d’être venus aussi nombreux pour notre deuxième édition de l’évènement de Noël. L’année dernière, notre évènement Magie bleue a marqué un temps important de la vie de ce café et nous sommes tous très reconnaissants du soutien que vous nous avez manifesté tout au long de l’année qui a suivie. J’espère que ce Bal des fleurs gelées vous plaira. Nous l’avons imaginé pour vous permettre de danser sur la piste ou de réaliser les ateliers de création proposés en vous inspirant de la musique jouée par Un peu plus près des étoiles, certains d’entre vous les connaissent déjà.

Je prends le temps d’avaler ma salive et poursuis.

— Je tiens toutefois, avant de commencer, à remercier personnellement, très chaleureusement, Franck, le propriétaire du Repaire qui nous accorde toute sa confiance …

Je laisse un silence rapidement recouvert par des applaudissement.

— … Hélène et Vanessa au service qui sont toujours positives et d’un soutien sans faille.

Les applaudissements continuent.

Je vois Niels s’accouder au comptoir. Il me sourit, je me retourne vers les clients attablés :

— Et Niels, pour sa créativité et le soutien quotidien qu’il représente pour moi. Merci beaucoup.

Je cligne des yeux. Niels incline la tête en guise de remerciement. Les applaudissements redoublent dans la salle.

— Merci encore une fois à vous tous d’être venus, dis-je. Et place au Bal des fleurs gelées !

Adam et Stella saisissent leurs instruments. Le public attentif retient son souffle.

La musique commence. Stella se place devant le micro, ferme un instant les yeux et commence à chanter : Si les fleurs qui bordent les chemins se fanaient toutes demain, je garderais au cœur celle qui s’allumait dans tes yeux.

Quelques personnes se lèvent et gagnent la piste de danse. Je cherche Niels du regard, il n’est plus au comptoir. Je sens une main m’effleurer la taille.

Quand la vie par moment me trahit, tu restes mon bonheur petite fleur.

J’attrape sa main. Niels se laisse retenir et me fait tourner une fois sur moi-même.

Dans mon cœur, tu fleuriras toujours, au grand jardin d’amour, petite fleur.

Je lis qu’il prononce les derniers mots sur ses lèvres. Il m’adresse regard rayonnant avant de s’éloigner vers le comptoir. J’applaudis avec le public. Adam et Stella entonnent le morceau suivant.

Franck au comptoir, serre chaleureusement la main de Niels. Il tourne la tête vers moi et me fait signe d’approcher.

— Tout va bien Livia !

C’est plus une affirmation qu’une question. Je lui souris.

— Oui, parfaitement. On pourra se voir en janvier pour faire le point si tu veux.

Franck fait un geste de la main.

— Ce n’est pas pressé, ne t’en fais pas ! D’autant plus qu’il va falloir que vous arriviez à vous passer de moi tous les deux.

Je consulte Niels du regard, intriguée.

— Je vois que vous vous en tirez à merveille pour gérer cet établissement. Je voulais vous proposer de le reprendre, complètement.

J’écarquille les yeux.

— D’en devenir propriétaires ? demande Niels.

Franck hoche la tête.

Niels et moi échangeons en silence. Je comprends qu’il est partant.

Je souris à Franck.

— Je ne sais pas quoi, te dire … Je te remercie.

— Y’a pas de quoi, c’est moi qui vous remercie. Je vois que j’ai trouvé la relève idéale. Allez on en reparle !

Il serre franchement la main de Niels, m’embrasse sur les deux joues et nous fait signe avant de quitter le café.

Je parcours la salle du regard, Héloïse montre à un couple comment étaler un morceau de pâte d’argile. Les clients baguenaudent parmi les ateliers. D’autres dansent sur la piste. Devant la fresque des fleurs gelées, une petite fille colle une rose rouge réalisée en origami. Deux amies se montrent leurs mains recouvertes de pastels, à quelques tables de là.

Niels glisse doucement sa main dans la mienne.

Je ferme le parapluie et referme la porte d’entrée. Niels s’agenouille pour détacher la laisse de Givre. Je laisse tinter mes clés en les déposant dans le vide-poches.

Givre prend son élan et atterrit sur le canapé. Il enfouis sa truffe sous le plaid et creuse un tunnel pour se glisser dessous.

Niels se retourne et m’enveloppe de ses bras.

— Encore une journée réussie, me dit-il.

— Oui, je ne vais pas te dire le contraire. Ca créait dans tous les coins, c’était mon évènement chouchou de cette saison ! Tes roses des glaces étaient superbes.

— Merci.

Niels s’installe sur le canapé et caresse Givre par dessus le plaid.

Je désigne d’un mouvement de tête son nouveau manuscrit déposé sur le fauteuil. Un croquis crayonné au fusain d’une mésange avec de grands yeux adorables est attaché à la page de garde avec un trombone.

— Je l’ai terminé hier, je lui dit.

Il lève les yeux vers moi.

— Je suis un oiseau ? je demande en lui souriant tendrement.

Se yeux pétillent.

— Tu m’avais dit que tu rêvais qu’on te le dise un jour.

Je savoure la dédicace de son nouveau livre sur je connais déjà par cœur : à Livia, l’amour c’est toi, l’amour c’est moi, l’oiseau c’est toi, l’enfant c’est moi.

Je laisse un agréable frisson me parcourir.

— Bravo, en tout cas, c’est magnifique. Il sera publié quand ?

— Au printemps, répond-t-il d’un air amusé.

Je pense à la programmation sur le thème des oiseaux sur laquelle je travaille depuis quelques semaines.

— Ca tombe très très bien, je déclare.

Il sourit.

J’ouvre le frigo et je lui propose :

— Bière, jus de fruit, coca ?

— Je t’ai apporté une bouteille de champagne rosé, dit-il.

Je le regarde, surprise et cherche dans le frigo. Je sors la bouteille de la porte et sors deux flûtes à champagne du placard.

— Quand l’as tu mise là ?

— Ce matin, quand je suis passé te chercher, dit Niels satisfait.

Il se penche sur l’accoudoir pour attraper un disque.

Je souris. Niels installe le disque sur la platine.

— Tu ne savais quand même pas que Franck allait nous proposer de reprendre le café ?

Il secoue la tête et pose sa main à côté de lui sur le canapé. Je m’approche , la bouteille à la main et dépose deux flûtes sur la table basse.

— Non, mais toi et moi on a autre chose à fêter, aujourd’hui.

Niels lance le tourne-disque. Les grésillements précèdent les notes qui se diffusent dans le salon. Je reconnais tout de suite.

Je me penche pour l’embrasser, mais Niels dépose ses mains sur les miennes. Nous faisons sauter le bouchon de la bouteille. Givre sursaute et jappe.

Je me précipite pour verser le liquide qui s’émousse au dessus des deux flûtes.

Nous trinquons tandis qu’une douce chaleur se diffuse dans tout mon corps. Niels pose ses doigts sur mon poignet et le caresse lentement. Nous buvons une gorgée de champagne.

S’il te plaît reviens pour l’hiver, lorsque la nuit mangera le jour.

Niels glisse sa main dans mes cheveux et pose doucement ses lèvres fraîches sur les miennes. Quelques bulles de champagne pétillent encore sur ma langue.

— A notre deuxième hiver ensemble, me dit-il.

Il pose sa coupe sur la table avant de poser de nouveau sa bouche sur la mienne.

S’il te plaît reviens pour l’hiver, lorsque la nuit mangera le jour.

S’il te plaît pour l’hiver.

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