Roman de l'avent

Le repaire de glace – Chapitre #10

Chapitre 10 – Effervescence

Hélène slalome entre les tables.

— Chaud devant !

Je saisis un coupon et m’empare du micro.

— Et maintenant, nous allons entendre Léonie et Maya sur un grand classique des années 80 !

— A quand les démons de minuit ? me demande Léo en chemin pour livrer un tartare de saumon avocat.

J’accompagne le duo en tapant des mains, entraînant les nombreux spectateurs. Je me déplace dans les rangs et chante avec les spectateurs.

Les deux amies sur scène improvisent une chorégraphie. Un sifflement s’échappe de la salle.

Je ris en récupère les micros. Je les remercie et présente le chanteur suivant.

Franck sort un instant de la cuisine et pose la main sur mon épaule.

— Tout se passe bien ?

— Oui, Franck, ça se passe vraiment bien !

Je tend le micro à un jeune homme aux petites lunettes rondes. Je lui donne le compte à rebours avant de mettre en marche la vidéo. Je règle légèrement le son. Il commence à chanter.

Léo s’approche de moi et dépose un verre sur la table où mes affaires sont installées.

— Je t’ai fait un cocktail.

Je récupère le verre, je fais signe à Léo que je préfère l’éloigner de la table de mixage.

— Qu’est ce que c’est ?

— Une surprise pour toi. Un spécial Reine des neiges, précise-t-il sans me quitter des yeux.

— Merci Léo !

Je porte la paille à mes lèvres, le cocktail est glacé et le fond sirupeux a un goût de myrtille.

— C’est délicieux. Je ne savais pas que maîtrisais à ce point la mixologie.

Il approche sa bouche de mon oreille.

— A ton service, murmure-t-il.

Je mordille ma paille et dépose le verre bleuté sur un distributeur de bonbons à côté de moi.

Voyant Hélène repasser dans la salle avec un plat du jour, je dis à Léo :

— Ca a l’air super bon !

Il hoche la tête en regardant l’homme qui chante en claquant des doigts.

Léo tourne la tête, me regarde intensément. Les paroles défilent et je sens venir la suite, mon cœur s’accélère au rythme de la musique.

— Pour un flirt avec toi, je ferais n’importe quoi, chante-t-il en même temps.

Je sens mon visage s’enflammer. Il ne me sauve pas de mon embarras. Il croise les bras et continue à regarder l’homme aux petites lunettes. Une fossette s’étire sur sa joue.

Un client qui adresse un signe à la table d’en face. Léo part le rejoindre sans ajouter un mot.

Après un dernier refrain chanté en chœur par le public, je reprends le micro.

Le Repaire, est-ce que vous êtes prêts à passer une nuit de folie ?

Le public ne cache pas son excitation et certains se lèvent.

— Super, je réponds amusée. On est là jusqu’à minuit !

Des exclamations retentissent. Je lance Nuit de folie et invite le public à me rejoindre sur la piste de danse.

Mon regard croise celui de Léo qui débarrasse une grande table au milieu de la salle, sans me quitter des yeux. Son sourire s’intensifie au fil des paroles que nous entendons tous les deux. J’apprécie la chaleur qui monte jusqu’à mes joues. Sans aucun doute, le tourbillon d’un vent de folie semble me gagner.

J’annonce les suivants, Jacques et Lucie, qui se déhanchent avant même que la musique commence.

Je bois une gorgée de mon cocktail. L’écran de mon téléphone s’allume. Je regarde, curieuse, de qui vient le message. Un numéro s’affiche. Je fronce les sourcils et consulte le contenu.

On peut se voir ?

Je fronce les sourcils, saisie d’un mauvais présentiment.

Qui est-ce ? je réponds.

Victor.

Mes doigts tremblent. Je fixe l’écran.

Un autre message s’affiche à la suite.

Tu as supprimé mon numéro.

Je sens mon estomac s’écraser. Je respire calmement et estime le temps de chanson qu’il reste avant de passer aux suivants.

J’envoie : Je ne veux pas te voir. Laisse-moi tranquille.

Léo, marchant vers la cuisine, m’interroge du regard. Il s’arrête et pose sa main sur mon poignet.

— Ca va, Livia ?

Je le remercie d’un signe de tête et porte mon attention sur la table de mixage pour me donner une contenance.

J’applaudis à la fin du morceau et annonce une habituée du bar. Je l’encourage chaleureusement avant de commence en voyant qu’elle a le trac. Je donne le compte à rebours.

— 3, 2, 1. C’est parti.

Je surveille l’écran de mon téléphone portable. Il reste éteint.

J’empoigne mon verre et me met à mordiller la paille.

— Fais attention. Tu sais que quand tu bois à la paille, l’alcool monte plus vite ?

Je sens Léo s’approcher dans mon dos. Franck sort en trombe de la cuisine et l’interpelle.

— Il y a vraiment du monde. Plusieurs tables viennent de commander en même temps ! Je reste en cuisine, Niels va venir en salle vous donner un coup de main.

Il frappe deux fois dans ses mains pour faire accélérer le mouvement.

— Ok, répond Léo.

Sur les talons de Franck, il repart chercher des assiettes en cuisine.

Son parfum flotte dans l’air. Je l’inspire lentement. Une sensation électrique s’empare de mes membres. J’intime à ces pensées de rester à leur place. Je dois rester concentrée.

Niels, Hélène et Léo ressortent à la queue leu leu et se dispersent en salle pour distribuer les plats. Ils contournent autant que possible les clients qui dansent entre les tables et autour de la piste.

La soirée bat son plein, je profite de l’engouement pour faire circuler le micro dans la salle sur une chanson connue.

Je me déplace, tend le micro à une femme timide puis à un homme à la voix de bariton. Une jeune fille joue d’un trait d’humour et mime un guitariste en agitant les cheveux.

Je profite d’un temps de la chanson sans paroles pour passer le micro à la table voisine. Léo arrive en sens inverse dans la rangée. Il entoure ma taille de son bras pour faciliter le croisement et me sourit intensément. Nos corps se frôlent.

Je sens mes poils se hérisser, je détourne le regard et maintiens le micro fermement devant un homme en chemise blanche qui claironne de bon cœur en regardant l’écran.

Mes yeux parmi la foule rencontrent ceux de Niels. Il détourne le regard et dépose sa mousse yuzu chocolat blanc devant une vielle dame.

La fin du refrain s’ensuit de cris d’acclamation. Je regagne la table de mixage, baisse le son et incite le public à applaudir bien fort.

— Bravo à vous tous, quelle énergie !

J’annonce la dernière chanson de la soirée et remercie les clients d’être venus nombreux.

Franck dresse le couvert.

— A table ! s’écrire-t-il.

— Après l’effort, le réconfort, récite Hélène en le rejoignant.

Je suis en nage. Je ferme mon ordinateur et le range dans ma sacoche. Léo replace les dernières chaises sous les tables.

— Il reste un peu de poulet au thym, des patates douces et du tartare saumon avocat, dit Franck en parcourant les plats.

— Génial, je m’exclame. J’avais tellement envie de le goûter !

Mon téléphone vibre au fond de ma poche, je sens un frisson me parcourir la nuque. J’hésite à regarder. Finalement, je le tire discrètement et consulte l’écran. Le soulagement me gagne. Mon téléphone me signale simplement qu’il n’a plus de batterie. Je me demande toutefois ce que signifient ces messages de Victor, que je n’attendais pas.

— Alors, ça y est, on t’a perdue ? me taquine Léo en me faisant tomber une serviette en papier sur la tête.

Je ris. Je laisse mon téléphone avec le reste de mes affaires et le suis vers la table dressée.

— J’avoue, je suis K.O. ! Mais c’était une super soirée. Les gens nous le rendent bien.

— Oui, c’était top, confirme Franck. Plusieurs personnes m’ont dit que tu avais assuré.

Je souris.

— Tant mieux. Je suis contente qu’ils aient passé une bonne soirée. Je me suis vraiment amusée.

— Moi aussi, déclare Léo.

Il pose son bras sur mes épaules, se penche vers moi et me glisse :

— On refait ça quand tu veux …

Léo me sourit malicieusement et laisse un instant traîner ses yeux dans les miens. Un léger tournis me saisit un instant, un tournis agréable.

— On dirait bien que vous vous êtes trouvés, tous les deux, remarque Franck.

— Allez, on s’installe. Ca va finir par être froid, dit Hélène.

Mes yeux se portent sur la place vide de Niels.

— Où est Niels, je demande ?

Peut-être a-t-il encore besoin d’aide pour ranger. Je gagne la cuisine et allume la lumière. Son tablier repose sur le dossier d’une chaise. Je regarde par la vitre s’il est sorti fumer.

— Livia, tu nous ramènes la sauce barbecue, crie Léo depuis la salle.

Je regagne la table du dîner.

— Alors ? demande Hélène.

— Je ne l’ai pas trouvé. Vous croyez qu’il est parti ?

Hélène hausse les épaules.

— C’est Niels, déclare Franck entre deux bouchées. Il va falloir que tu t’y fasses.

Je dépose la sauce barbecue devant l’assiette de Léo et m’installe à côté de lui.

— Allez, on trinque à cette réussite, propose-t-il.

— A Livia ! T’as vraiment bien bossé, me félicite Franck.

Nos verres tintent à tour de rôle.

— Merci, je réponds. On bosse tous bien ensemble.

— Je crois qu’on ne va plus pouvoir se passer de toi, plaisante joyeusement Léo.

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