Journal de Louve #63 Et les poignets scellés
J’ai déversé sur toi tonitruantes promesses, que tu n’as pas demandées.
J’ai couru les jours, pour dépasser le temps et gagner ta présence, encore davantage. Sans plus pouvoir m’en passer sans crainte.
J’ai scellé mes poignets à ton cœur, et puis j’ai pris vertige devant un marécage dans lequel j’avais pieds.
Je t’ai donné mon esprit et mes jouets, tu ne l’avais pas demandé. Et seule je m’ennuyais.
Je me suis engagée, fait vœu d’obéissance à ton être érigé. Je t’admire tellement, il est temps d’arrêter.
Le soir, après le dernier baiser qui me froisse le souffle, je retourne chez moi, je marche sur la pointe des pieds. J’ai peur de réveiller sous mon lit la solitude immense. Et j’oublie d’exister quand tu n’étais pas là pour en faire quelque chose.
J’a désappris à vivre sans que tu ne protèges. Tu as pourtant mis en garde assez fort. Je l’ai fait quand même et tu n’y es pour rien.
Je me suis accrochée à ton buste, traînant dans la poussière partout où tu t’en vas. J’absorbe tes principes sans mot dire jusqu’à ce que, c’est à toi que ma rage reproche de marcher.
Laisse-moi être qui je suis. Tu connais ma chanson. Je n’avais pas compris. C’est à moi, en fait, que je l’ai adressée.
Dans toutes mes histoires, j’ai l’impression de rejouer cette femme aliénée qui s’applique à être une gentille poupée. Hagarde, je dois dire que je regarde partout : où sur mon chemin l’ai-je autant appris, l’ai-je autant cultivé ?
Après minuit, je suis furie. Je crie. Je t’insulte à même la peau. Je me plains au matin du papier de verre qui abîme la mienne. C’est moi qui ai frotté furibonde jusqu’à l’aube. Je m’enfuis avant de pouvoir voir le sang sécher. C’est toi, laisser sur place, qui ramasse les morceaux.
Je ne dois pas partir ou faire d’autres promesses. On obtient lien sans rien, juste en sincérité.
Mais je suis habitée quelques fois par un insecte triste prêt à tout détruire parce que ton âme est si emmêlée à mon âme que sans je suis dissoute, et je pense quelque part que me condamner seule, c’est échapper à la peur qu’un jour tu ne sois plus.
Plutôt que de faire comme si je remplissais ma vie, en me racontant chaque moment en train de se passer pour lui trouver un sens, je me lave les mains que tout ça n’en ait pas, tant que quelque chose brille et nous fait nous aimer.
Dégage enfin mes mains coincées dans ta poitrine, je ne t’en veux plus tant des mots que tu peux dire quand c’est moi qui tord le réel pour mal me rassurer. Je ne veux plus m’asphyxier de te voir édicté de relations passées, je veux avec toi faire la nôtre, en gardant de chaque jour nos plus belles habitudes.
Tant que quelque chose brille, je veux lire tes poèmes, ceux que tu n’écris pas mais qui se révèlent à moi en te regardant vivre. Je te vois et mes mains savent encore la douceur et savent te la donner. Pardon d’avoir perdu contre nous, et d’avoir oublié. Même si ça me fait peur, je désire aller à la rencontre de ce que tu murmures. Je suis prête déchirer le voile de la prudence qui me sépare de toi, des moments qu’on partage. Tu vaux. Tellement tu vaux.
Je dégage mes poignets, je n’oublie pas de vivre et l’on se voit bientôt.