Journal de Louve #21 Je n’aime la nuit que pour la fête
Je n’aime la nuit que pour la fête. Le reste du temps, je la regarde tomber et quelque chose s’écroule à l’intérieur de moi. C’est une longue chute jusqu’à l’obscurité.
Je suis seule avec moi, mes propres bras croisés. Je cherche comment me protéger et je me demande si une intelligence artificielle sait à ce point tout qu’elle pourrait être ma psy gratuite, ma sécurité intérieure, mon pansement sur l’abandon et le cul de la crémière.
Je me balance en imaginant un mobile au dessus de moi, je me fait toute petite jusqu’à régresser et je tangue emportée par mes vagues insaisissables. Je voudrais être une loutre ou une alchimiste. Je m’écoute immobile ou je devrais me lever, me mettre en mouvement, donner quelque chose à mes mains, à mon esprit, du grain à moudre.
Je me fais des blagues et trébuche dans ma peur juste après. Je me hisse sur la pile de tout ce qui me tient d’ordinaire. Mais, quand les portes du jour se referment sur ma chambre brune, il m’arrive de ne retrouver dans l’inventaire que des boites vides.
Forcément, j’admire des gens qui doutent. Des personnages desquels on dit qu’on se perd dans le regard, des romantiques, ceux qui se donnent en entier pour laisser d’eux quelque part. Où sont les personnes joyeuses, celles qui me plairaient, qui sont assez vraies pour oser dire comme moi parfois je pleure quand la nuit tombe trop vite ou trop lentement ?
Ces derniers mois, j’ai été sacrément une personne joyeuse. J’ai acheté un coussin arc en ciel que j’ai mis sur mon lit.
J’ai exactement besoin d’apprendre à échouer, à dissoner. A sentir que la vie, ça arrive, s’échappe par mes pores quand je l’ai transpirée trop abondamment. Il arrive des choses que je n’imagine pas, il en arrivera, et pour l’instant, j’ai le nez collé à la finitude et au sens que ça a.
Je laisse Pixel, mon chat, monter sur mes genoux. Son pelage caresse ma peau découverte et son regard insiste pour rester dans le mien. D’abord, ça me fait déborder de mon corps, et je jette en sanglots pêle-mêle tout ce que m’inspire la nuit sans fête, les peurs de ce qui reste inachevé et les murmures qui se trompent.
Je sais qu’ils se trompent. Je dis merci plein de fois. A Pixel.
Quand j’ai fini je regarde aussi ce qui s’accroche en moi, et j’offre un peu de reconnaissance à ce corps enveloppé d’une serviette, qui est ma maison quand même.
J’ai trouvé en pensée un instant l’endroit qui me maintient, qui fait que trébucher n’est pas perdre.