Chapitre #1 – Naissance
Cette fois encore, je n’avais pas cédé. Je n’y serais jamais allée toute seule. Et même avec une cinquantaine d’autres enfants m’entourant, j’étais seule sans Elwo.
Je le serre contre moi. Je fais jouer entre mes doigts l’étiquette coton polyester. Je le relis presque à chaque fois que mes yeux tombent dessus. Je balade mes doigts sur son pelage pelé, souillé par la crasse, l’eau, la poussière et le temps. Je tâte machinalement le bord de la tête, l’arrière du cou, par endroits, il est devenu rugueux.
L’armature froide de la chaise en métal me donne la chaire de poule. Mal assise, je tente de trouver une posture confortable.
Les classes partent en rang dissipés avec un peu d’avance. Je me lève et en donnant la main à un autre enfant, je repense aux oies de l’élevage que mes parents m’ont emmenée visiter l’été dernier. Les oies ne se donnent pas la main.
On entre dans la cantine. Il faudra tout manger.
Comme je joue à piquer mon hachis de canard du bout de ma fourchette sans y goûter, je dois lâcher Elwo tout de suite et finir mon assiette plus vite que ça, ou il me sera confisqué.
Exécution.
Une larme s’écrase dans le hachis. Ma main tient mon ventre, celle qui tenait Elwo.
Pour la sieste, on me le rend parce que finalement j’ai été sage. Je m’allonge sur le tapis. Il y a toujours une partie de mon corps qui dépasse et qui touche le sol.
Je retrouve la sensation des petits membres de peluche en mousse que je serre à répétition dans le creux de ma main. Je retrouve aussi des fils de canard au fond de ma bouche.