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Les chroniques,  Pêle-mêle

La rencontre sous d’autres formes

Il existe de nombreuses manières d’être dans la rencontre de l’autre. La prédominance de la raison dans notre société occidentale accorde beaucoup de crédit à un scénario de rencontre classique qui passe par le langage, souvent une discussion relativement organisée sous forme de questions et de réponses autour de sujets qui concernent (ou semblent concerner) à peu près tout le monde : « C’est quoi ton travail ? », « Tu as des enfants ? », « Tu habites où ? ». Or, ces conversations très orientées finissent pas nous faire réciter les mêmes histoires, tant on doit régulièrement brosser le tableau de notre carrière ou de notre situation familiale en public. De plus, on n’a parfois pas du tout envie de parler de certains sujets convenus, on ne se sent pas concerné … Ou l’on aurait bien envie de créer une rencontre autrement, de se présenter au monde d’une manière plus authentique et d’avoir accès aux autres dans leur profondeur.

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Les situations convenues

Il m’arrive régulièrement de me sentir mal à l’aise dans ce genre de scénarios connus, de ne pas savoir comment jouer mon rôle. Comme il m’intéresse peu d’échanger des formalités dans l’unique but de créer du lien, je m’ennuie rapidement et ressens une certaine anxiété à jouer au jeu des bonnes réponses, celles qui me permettraient de passer pour une personne attractive et sympathique par le biais d’une conversation banale. Je me sens à la fois lasse et frustrée de parler de moi ou d’entendre les autres parler d’eux de manière artificielle ou superficielle.

Je peux être pourtant très avenante et loquace lorsque l’on aborde des conversations de fond. Je m’interroge beaucoup sur la manière dont les autres perçoivent le monde. Je suis passionnée par leurs ressentis et leurs émotions, leur façon de vivre, ce qui motive leurs choix. Mais cela demande un certain degré d’intimité. Parfois, les personnes qui ne font pas partie d’un cercle de relations proches ne souhaitent pas nous y donner accès, ce qui me semble tout à fait compréhensible.

Toutefois, lorsque après un dîner de quatre heures, pour fêter le départ de notre collègue Mauricette, on a épuisé toutes ses cartouches de questions convenues et/ou convenables, on finit par touiller le fond de son café avec sa petite cuillère en regardant dans le vide … Pour ma part, en ayant hâte que ce moment s’arrête.

L’allant de la rencontre

J’aimerais tant rencontrer les gens pleinement ! Mauricette va donc partir à la retraite, et je me demande en remuant mon café froid ce qui la faisait rêver quand elle était jeune, comment elle a rencontré son mari, s’il y a des passions auxquelles elle voudrait s’adonner maintenant qu’elle va avoir le temps. Et pourtant, les mots convenus ne sont pas sortis, j’ai trouvé quelques phrases malhabiles pour tenter de l’amener à des récits, qui ont eu pour réponse quelques bribes laconiques … Nous aurons échangé avec Mauricette deux ou trois phrases en tout et pour tout pendant le repas : Ah oui, c’est vrai, tu ne manges pas de viande et Mon dernier jour de travail c’est jeudi, et ensuite c’est terminé. Et lorsque que je l’interroge sur ses envies pour la suite, Baaaah, je verrai bien.

Il y a sans doute des gens qui n’aiment pas parler d’eux. Et puis, il est normal de ne pas souhaiter parler de tout avec tout le monde. On cherche alors ses petites phrases convenues pour meubler la conversation, passer le temps … Comme on met un livre sous une table bancale pour être un peu moins agacé à l’idée qu’elle soit instable. Il y a parfois donc, ces conversations qui se rapprochent du cache-misère, du remplissage de vide, et qui ne nous permettent pas de nous rencontrer vraiment. Cela se produit avec des inconnus mais également avec des personnes de notre famille, des collègues … Globalement, des personnes que nous n’avons pas choisi personnellement de fréquenter à ce moment-là par attractivité réciproque, évidente et spontanée.

Et ce n’est pas parce que l’alchimie n’opère pas de manière immédiate que la rencontre n’a pas quelque chose de précieux à nous apporter. Il est parfois difficile de rompre la glace, ou de générer la première étincelle.

Créer du lien

En fait, il existe de nombreuses manières d’avoir accès à l’autre sans passer par la raison ou la conversation usuelle et codifiée. Nous sommes en majeure partie guidés par notre inconscient, nos émotions et nos ressentis occupent une part immense dans notre manière de voir le monde et de nous structurer. La rencontre avec l’autre est davantage régie par le non-verbal. Nous retenons le geste amical de notre collègue à son arrivée, l’odeur de la pluie sur son manteau en feutre. Nous sommes à un moment émus par une voix ou une intonation. Une attitude nous interpelle, ou la manière dont la personne replace ses cheveux derrière son oreille. Par des détails, des sensations, nous sommes dans le lien à l’autre et nous nous y plaisons.

Voici donc, quelques manières différentes d’envisager la relation ou la rencontre avec d’autres personnes, dans le but ensuite d’approfondir la relation, ou simplement de passer un moment stimulant et enrichissant dans ce moment de connexion.

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Comment rencontrer l’autre autrement ?
Inventaire de manières fantaisistes :

  • Commandez le jeu de société Saumon frétillant. Installez les cartes sur une table de bar, écartez tous les objets fragiles de votre espace de jeu. Rencontrez vos collègues en leur faisant des signes ridicules ou des bruits de saumons enthousiastes pour allier la spontanéité et le rire.
  • Inscrivez-vous à un atelier d’écriture. Rédigez à partir des propositions de l’intervenant l’histoire d’un homme qui vit seul dans un appartement et perd sa liste de courses, ou le récit d’une jeune femme amnésique qui fait du vélo sur des collines désertes. Ecoutez ensuite la restitution des textes inventés par les autres participants. Bien au delà du thème, leur manière de raconter vous révèle négligemment comme Sonia fait tellement attention aux détails, qu’Antoine fume et n’a vraisemblablement jamais connu son père, que Charles a les mots justes pour écrire une déclaration d’amour bouleversante et se plaît à imaginer partir en voyage …
  • Prenez les gens en photo !
  • Dansez avec les autres. Chantez le répertoire rock de la chanson française des années 80 à pleins poumons (entre autres, Téléphone et Noir désir), en dansant sans regarder vraiment où vous mettez les pieds. Ralentissez le rythme sur Everybody got to learn sometimes, et ça ressemblera à peu près à la manière dont j’ai rencontré mon amoureux.
  • Partez sur une ile déserte imaginaire dans Galérapagos, un jeu de société au roleplay bien présent. Jouerez-vous l’idéaliste qui cherchera coûte que coûte à sauver tout le monde ou la personne qui cachera le révolver dans ses effets personnels jusqu’au moment crucial ?
  • Intégrez un groupe de théâtre d’improvisation. Evoluez sur des thèmes inattendus comme si vous jouiez avec vos personnages quand vous étiez enfant.
  • Ecrivez des lettres et postez-les. Choisissez vos plus jolis stylos. Glissez dans l’enveloppe des images, ou des petits objets légers qui transformeront votre courrier en un véritable trésor. J’ai reçu récemment une lettre de ce genre de la part de Pauline, j’ai pris mon temps pour répondre, celui de trouver un moment où l’inspiration était vraiment présente. J’ai eu envie de lui faire un joli cadeau en retour.
  • Participez à une performance artistique pour être vous-même avec d’autres, d’une manière dont seul vous pouvez le faire !
  • Pour rencontrer les autres de manières indirecte, voire résiduelle, rencontrez des livres, des tableaux dans des expositions et écoutez les chanter. Allez ensuite chercher l’image du visage de l’artiste qui a créé cette œuvre, et imaginez des correspondances entre les deux.

Et vous, quelles sont les manières dont vous aimez rencontrer les autres ? Quelles activités les révèlent ou vous permettent de les connaître autrement ?

A bientôt,

Louve

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